lundi 8 août 2016

Pizza napolitaine

La pizza est napolitaine. S'il vous arrivait de l'oublier, tous les habitants, tous les restaurants, toutes les rues de Naples se tourneraient vers vous en criant : "la pizza est napolitaine !"
Dans notre quartier, à mi-pente entre la Piazza del Plebiscito et le Castel Sant'Elmo, au-dessus du Quartieri Spagnoli, il y a la pizzeria Nennella. Deux rues y rejoignent la montée de la Via Santa Caterina da Siena.
Pas de table à l'intérieur, des guéridons posés sur le trottoir pour les affamés et ceux qui attendent leur commande et toute une ambiance à voir, sentir et écouter en attendant de savourer la pizza à emporter la moins chère du quartier, la plus renommée aussi à en juger par l'affluence et le débit du four.
En attendant de goûter à la fierté napolitaine, les scooters des livreurs font le spectacle. Les engins sont rafistolés avec du ruban adhésif, des rivets, des serre-câbles, des équerres et attendent les pizze commandées par téléphone et livrées gratuitement. Lorsque les chauffeurs intrépides retirent les commandes, ils se signent, enfilent quelquefois un casque mais jamais ne l'attache. Dieu à dû faire un stage de livreur de pizza à Naples et pose sur ses successeurs un regard bienveillant qui leur évite les embûches de la ville aux rues encombrées et minuscules, des sens interdits indicatifs et des montures branlantes lancées à fond dans les descentes vertigineuses.
Chez Nennella, on rappelle que le four remplit son office depuis 1930. Une série de photos raconte cette histoire sur les piliers de la devanture. C'est la lecture de la salle d'attente en pleine rue. Car souvent, il faut attendre.
Pour le touriste, la première épreuve consiste à comprendre le mode de commande. C'est un rite qu'on imagine exister depuis la fondation. Nennella avait du vouloir cette organisation particulière à la fondation de l'institution.
Un sourire de touriste affamé au bord du désespoir  attirera à coup sûr la compassion d'une habituée qui vous initiera en se moquant gentiment de l'impétrant. Quant à l'inconscient qui voudrait passer directement commande au pizzaïolo derrière le comptoir, il sera refoulé sous une avalanche de mots incompréhensibles débités à la vitesse d'une mitraillette.
Pas la peine d'essayer de montrer le biceps, les bras du pizzaïolo ont déjà manipulé plus de pizze que plusieurs générations de supporters de foot ne pourront en ingurgiter. Son acolyte qui fait voler les pâtes d'un geste magique pour les rendre rondes et comme aériennes, se régale de la colère tant de fois répétée. C'est leur distraction à eux, les forçats de la pâte à pain, du coulis de tomates et de la tranche de mozzarella.
Lorsque le pizzaïolo éructe enfin votre numéro et récupère votre ticket, vous savez que le précieux repas vous sera bientôt tendu par dessus le guichet.
"Grazzie mille !". "Prego" vous répond alors l'escogriffe avec un grand sourire.
En bon cabot, une fois encore il aura fait le spectacle, entre dextérité à la garniture, grands coups de gueule pour ses acolytes et le public et ballet de la pelle à pizza. Le coup de poignet permet de faire tourner la galette avant de la remettre dans le four pour un dernier coup de chaud.
Vous allez alors déguster une pizza comme vous n'en n'avez sans doute jamais mangée. Bon appétit !

mardi 26 juillet 2016

Vico Mondragone 33, Napoli, Scala B (récit)

On dirait le sud.


En quittant Florence, l'autoroute est bordée de magnifiques propriétés plantées sur des collines douces auxquelles on accède par des allées de cyprès. Le vert reposant des oliveraies est délimité par la raideur sombre et haute des arbres, le tout clairsemé de belles villas claires. L'attentat de Nice n'est pas loin et j'ai en tête le souvenir de "Fragile" chanté en par Sting, un soir de septembre en Toscane.
Passé Rome c'est comme si l'autoroute reliait deux mondes parallèles, celui de Florence, propre, italien mais mesuré et celui de Naples, délabré, bruyant et sale. Une sorte de quai 9 3/4 qui conduirait dans une autre dimension.
L'entrée dans Naples est un choc. Je vois dans le rétroviseur les mines des filles qui s'allongent. Le contraste avec Florence et ses belles façades est saisissant. En arrivant de l'autoroute nous suivons les quais du port de commerce. La chaussée est défoncée, des chantiers longent la voie ferrée abandonnée sur laquelle nous roulons en alternance avec une voie faite de pavés mal chaussés. A gauche on devine plus qu'on ne voit le port masqué par des panneaux de chantier, à droite des immeubles délabrés semblent abandonnés. Une circulation exubérante et désordonnée surgit de tous les cotés à grand renfort de coups de freins et de klaxons. La bonne humeur florentine qui huilait les rouages des flots de voitures semble remplacée par les aboiements des voitures. Des scooters suicidaires ressortent miraculeusement du capot de Titine.

Le parking et la mafia.


Nous avons rendez-vous avec notre loueur sur la Piazza del Plebiscito, place principale de Naples, devant le bar le Gambrinus. Il aura un scooter sombre et nous reconnaîtra par la description que nous lui avons faites de notre petite voiture. Nous avons deux heures d'avance et décidons d'aller nous poser près de l'appartement dont nos avons l'adresse. Nous embouquons une petite rue qui monte à partir de la place en direction du château qui surplombe la ville. Étroite, encombrée de chaises, de pots de fleurs, d'étalages de boutiques et peuplées de scooters voltigeant dans tous les sens, nous y suivons les indications qui promettent un parking, espérant y mettre Titine à l'abri de la mauvaise réputation de la ville. Durant le trajet depuis Florence nous avons parlé de la réputation de Naples, de la Mafia qui contrôlerait toujours le ramassage des ordures, les parkings et les différents trafics. Sous un panneau "P" blanc sur fond fond bleu plus grand que les autres, une flèche indique l'entrée et nous pénétrons dans ce qui ressemble à un garage d'immeuble. Des voitures garées en vrac, une lumière blafarde et une cahute vitrée dans laquelle nous distinguons deux visages patibulaires éclairés par la seule lumière d'un écran d'ordinateur, c'est le spectacle qui nous attend quand l'éblouissement du soleil nous abandonne et que nos yeux s'habituent à la pénombre. D'un signe du menton nous désignant, le plus vieux envoie son Padawan s'occuper de nous. Rapidement, nous décidons de changer nos plans et d'appeler l'homme au scooter gris pour qu'il nous indique un parking ayant sa caution morale. En baragouinant trois mots d'anglais, nous quittons nos hôtes, filons nous garer devant le Gambrinus et passons le coup de fil salutaire.

Rendez-vous avec l'homme au scooter gris.


Le scooter est devant le bar dans la demi-heure comme promis au téléphone par notre sauveur. Guiseppe se présente, jovial, parlant bien français et distribuant moult commentaires sur les bâtiments et leur histoire, les visites à faire absolument et les dégâts du tremblement de terre de 1980. Dans la discussion, il nous indique avoir changé notre location pour un autre appartement. Le choix du parking n’était pas judicieux, on s'en doutait un peu. Un tour à l'arrière du scooter pour aller chercher Titine là ou je l'ai garée provisoirement et nous voilà repartis en convoi dans les petites rues, guidés par Guiseppe sur son scooter gris.
Lui à fond, nous accrochés à nos sièges, priant pour ne renverser personne, nous arrivons dans un parking éclairé et notre guide négocie un demi-tarif pour les 3 jours à venir.
15 minutes de déambulation dans les rues en pente accrochés à nos valises à roulettes nous mènent devant la grille d'entrée d'un vieil immeuble décrépi, comme le sont tous les immeubles du quartier. Les mines des filles s'allongent encore. Nous sommes un dimanche, les commerces sont fermés, le soleil tape dur et les rues puent. La vielle grille en fer ouvre sur une petite cour surplombée de balcons bricolés. Les fils électriques semblent tomber du ciel et tapissent les murs. La cour est peuplée de scooters et de grandes poubelles. En se frayant un chemin entre les deux-roues parqués, nous accédons à l'un des deux escaliers.
Certaines pierres de l'escalier B sont tellement usées qu'une plaque de marbre vient refaire le nez de marche. A bout de souffle, suant, nous arrivons avec nos valises au deuxième étage devant une porte blindée.
L'appartement est entièrement refait, bien équipé, confortable et climatisé. Idéalement situé au cœur du vieux Naples populaire, nous accéderons à pieds, en flânant dans les rues pittoresques, aux différents quartiers situés autour de notre camp de base douillet. Le filles reprennent figures humaines. En nous quittant notre sauveur laisse un billet de 10 et la consigne de faire manger des glaces aux filles chez le spécialiste en bas de la rue. Il nous fait à tous la bise, nous laisse des instructions pour faciliter notre départ dans 3 jours et repart sur son scooter dans le soleil couchant. Il faut encore repérer les lieux et trouver de quoi faire un bon repas du soir. La meilleure pizza de Naples est en fabriquée en bas de chez nous, l'épicière la plus roublarde est à coté, qui nous prendra pour des américains descendus de notre yacht à la recherche de spaghettis vendus à prix d'or.
Demain, nous découvrirons Naples et nous savons déjà que toutes les perles ne brillent pas de la même lumière, qu'il faut savoir laisser aller son regard vers la découverte et la surprise.

Coté pratique


A Naples, le but du jeu est de mettre la voiture en sécurité et de découvrir à pieds les différents quartiers, rues et marchés. Bonne chaussures de rigueur, les montées peuvent être raides et les descentes... pentues. L'emplacement du "camp de base" est stratégique.
Dans les petits commerces, fuir ceux qui n'affichent pas les prix. Vous êtes touristes et vos tickets de caisse seront une suite de prix arrondis suivis d'un total... "exotique" pour le moins.
Le parking à la journée peut être cher, il est judicieux de trouver un accord avec votre loueur qui négociera pour vous.


samedi 23 juillet 2016

Le syndrome de Florence attendra


Le trajet



Après le passage du tunnel du Fréjus nous contournons Turin et sortons de l’autoroute pour pique-niquer à Asti, à l’ombre sur une place ancienne, premier contact avec les vieux murs qui font partie du charme de l’Italie. En repartant nous choisissons de passer par Gênes, l’itinéraire étant un peu plus court que celui qui passe par Parme, Modène et Bologne. L’envie de voir rapidement la mer joue également dans notre choix. Le choix ne s’avère pas judicieux. L’autoroute qui contourne Gênes est une suite de tunnels et d’embranchements qui desservent la ville. Les embouteillages nous auront fait perdre une bonne heure. Certes nous aurons aperçu la mer, mais de très loin, entre deux tunnels. Quand nous reviendrons de Rome dans 4 semaines nous passerons par Modène et Parme.



Florence


Nous n’y passons qu’une nuit mais nous voulons nous ouvrir l'appétit d’un séjour prochain. Le gps du téléphone nous guide jusqu’à l'hôtel (Titine n’a pas cette option non plus). Nous y laissons nos valises et filons au centre ville historique, très animé en cette fin d’après-midi. L’homme à la réception fait tous les efforts du monde pour nous parler français et nous conseillera efficacement pour aller manger une pizza.
Nous trouverons un parking payant sous la gare ferroviaire. Nos pas nous mènent d’abord sur la Piazza di Santa Maria Novella sur laquelle beaucoup de monde se croise. Il fait bon et c’est un bonheur de se dégourdir les jambes dans une ambiance plutôt festive et bon enfant. La façade de la basilique donne un avant-goût des décorations foisonnantes et colorées des bâtiments religieux. En suivant le flot des touristes nous arrivons à la cathédrale Santa Maria del Fiore. Il est trop tard pour admirer les bâtiments en pleine lumière mais le spectacle des décorations sur la façade et sur les murs est grandiose. La faim nous pousse vers une petite rue à la recherche de notre première pizzeria sur le sol italien.
Rassasiés nous rentrerons en passant par Mercato Centrale, aménagé en un ensemble de bars au premier étage sous la verrière, au dessus du marché. Les codes geek et branchés y sont respectés jusqu’aux horaires d’ouverture, de “10h00 à 00h01”. On y trouve un mélange d’étudiants, de touristes, de Florentins huppés. L’ambiance est sympathique, on y mange et on y boit dans la bonne humeur.
Nous reviendrons à Florence pour y passer plusieurs jours, nous donner le temps de visiter les monuments, de marcher jusqu’au Ponte Vecchio et de passer des soirées dans la douceur des vieilles rues animées.

Coté pratique


Sur l’autoroute, le prix du carburant prend allègrement jusqu’à 30% de hausse, comme les sandwiches ou l’eau dont nous boirons des litres sous un soleil de plomb dans notre Titine dépourvue de climatisation (un choix environnemental des filles lors de l’achat). Les prix sont rarement affichés avant que vous soyez garé à la pompe.
L'hôtel était accueillant et avait une chambre pour 4 personnes. (http://www.hotelcareggi.it/) Il faut rajouter au prix de la chambre une taxe par personne et par nuitée, ici de 2,5 € par personne.
La circulation italienne n’usurpe pas sa réputation. Le code de la route semble intégrer une part aléatoire, les indications sont optionnelles, le klaxon est indispensable et les sourires et amabilités font que tout fonctionne. Les places de parking sont rares. Bordées de bandes bleu vous pouvez vous y garer et c’est payant, bordées de bandes blanches, il s’agit de places réservées.
Au restaurant il faut ajouter aux prix de la carte un prix par couvert lorsqu'on mange sur place. Ce prix peut varier de 1 € à 3 € selon la classe de l’établissement. Bien sur, si vous emportez, vous ne payez que le prix indiqué sur la carte.

mardi 19 juillet 2016

Derniers préparatifs ...

D'ordinaire, les préparations sont une partie de plaisir. Retrouver les palmes rangées au garage depuis de trop lointaines plongées, regrouper la connectique des bidules électroniques qu'on pense indispensables, établir des check-list dont on sait quand on les écrit qu'elles resteront incomplètes, faire les derniers choix d'itinéraires, choisir une ville du parcours pour programmer un pique-nique, terminer enfin par un ménage pour revenir dans un appartement propre et rangé.
Le chat a compris lorsqu'il a vu les valises qu'il va être seul quelque temps. Il fait la gueule et cherche toutes les provocations et bêtises possibles.
Je fais rapidement la liste des problèmes et travaux qu'on s'était promis de finir avant le départ et qui sont repoussés à notre retour.


Tristesse et colère avant de partir, besoin de changer d'air.


Prévoir une voiture plus "Italienne"
Les préparatifs sont d'ordinaire un plaisir, la jubilation des derniers grains qui coulent dans le sablier du départ.
Nous sommes le 15 juillet et depuis le funeste feu d'artifice à Nice, l'ambiance est lourde, la colère est grande. La fin de la soirée a été consacrée à faire le tour des copains, collègues, anciens élèves de Nice ou de Cannes. Aucun ne manque, c'est déjà ça, mais quelle colère et quelle tristesse !
Il est grand temps de partir et d'aller faire le plein de sensations nouvelles, de s'emplir les yeux de soleil et de paysages, la tête de souvenirs. Les Italiens nous parlerons d'autre chose. Le réveil est mis à 5h30. 700 km nous séparent de notre première étape via le tunnel du Fréjus, Turin, Asti et Gênes.
Demain, nous dormirons à Florence.

dimanche 3 juillet 2016

2 semaines avant le départ.

Achat des cartes routières, confirmation des réservations, perception de la nouvelle tenue (bermuda et tee-shirt), il ne reste que quelques étapes à finaliser ou quelques choix à effectuer. Passer deux jours à Florence et deux jours à Naples ou privilégier Naples et Pompeï et le Vésuve. Le choix est fait, nous nous exposerons au "syndrome de Florence" à l'occasion de prochaines vacances. A partir de Lyon, en passant par le tunnel de Fréjus, on pourra facilement y retourner pour trois ou quatre jours.
Pendant que la sélection française met une correction aux Islandais (tiens, l'Islande ça a l'air sympa), nous effectuons les derniers règlements d'acomptes pour les locations. Il nous reste à finaliser le séjour à Rome au retour.

Les contraintes du véhicule


Petite voiture, petits soucis, mais aussi... petit coffre. A quatre, il va falloir contingenter les bagages. Nous limitons les livres et chargeons sur les liseuses les différents épisodes des aventures du commissaire Montalbano. Sur d'autres voyages nous utilisions une remorque pour pallier au manque de place, jusqu'à ce que d'indélicats crétins nous en délestent.
Autre point à prendre en compte, les guides que nous consultons mettent unanimement en garde contre les vols dans les voitures, voire les désossages touristiques. Il faut donc s'assurer à chaque location que nous disposerons d'une place de parking sécurisée.

La Mafia


La Sicile, le "clan des siciliens", la mafia... jusqu'ici j'ai essayé d'être un père responsable. Est-ce que je ne suis pas en train de mettre en danger ma petite famille, à l'amener dans la patrie du règlement de compte et des "propositions qu'on ne peut pas refuser" ? L'euphorie du 5-2 tombe d'un coup. Le doute m'assaille, l'angoisse m'étreint. Dieu sait quel sort les organisations du crime pourraient nous réserver, quel destin tragique attend mes filles. Vite, je suis les fils du web et les lignes des guides touristiques, en quête d'un état des lieux ou d'un compte d'activité morale de l'organisation criminelle. L'historique est impressionnant : Sicile, Naples... J'ai tout faux.
La mafia est encore bien présente en Italie, infiltrée un peu partout, surtout en Sicile. La saisie des biens mafieux donne même lieu à un mouvement de consommation éthique, consistant à acheter les produits des "terres libérées" (voir le lien ici). Mon collègue italien Michele m'avait un jour montré un site sur lequel on pouvait louer des propriétés saisies. Quand j'ai proposé à mes filles de regarder du coté de ces villas de luxe, elles m'ont demandé de ne pas provoquer la colère de l'esprit de "Don Vito" ou celle des mafieux qui voudraient récupérer leurs biens à leur sortie de prison.
Pour calmer les angoisses, je vais proposer à ma petite famille deux défis :
- faire la plus belle photo représentant la Mafia.
- adopter la consommation des produits issus des "terres libérées".
Don Vito y verra plus d'humour que de sacrilège. Mafieux, si tu nous lis, sache que nous venons en amis.